Un seul smartphone sous MeeGo, tel est le constat de Nokia après la fusion de Maemo avec Moblin (l’ex-OS mobile d’Intel), le N9 ; c’est ce même N9 qui a servi de base au Lumia 800, sous Windows Phone, marquant l’arrêt de mort de MeeGo sur les smartphones du géant finlandais en déroute.
Certains diront même qu’il ne s’agit pas vraiment de MeeGo, mais plutôt d’un Harmattan, un OS prévu pour effectuer la transition entre Maemo et MeeGo : on prend un Maemo 5, on en éjecte GTK+ pour qu’il ne reste que Qt, on colle les API MeeGo dessus, ça fait un Harmattan, officiellement sous le nom de « MeeGo 1.2 Harmattan » – pour la petite histoire, la version 1.2 est sortie cette année, ayant pour nom complet « MeeGo 1.2 Harmattan 1.2 », légèrement surréaliste.
Suite au partenariat avec Microsoft sur Windows Phone, malgré un semblant d’intérêt dans le projet MeeGo, avec l’aide d’Intel (qui, pourtant, avait l’air de le soutenir), MeeGo sera quand même rangé au placard, pour être remplacé, dans le verbe au moins, par Tizen, un OS mobile toujours basé sur Linux mais, cette fois, résolument orienté HTML 5, JavaScript et autres technologies Web, sans laisser la place au natif.
C’est pourquoi le projet Mer a été lancé : une distribution Linux, à base de Qt (surtout de QML) et d’HTML 5, basée sur MeeGo, avec une forte orientation mobile. Différence principale par rapport à MeeGo ? Tout est ouvert, transparent, méritocratique (un peu comme le Qt Project).
Sauf que…
Il faut des téléphones sous cet OS pour qu’il décolle (voir l’interview de Linus Torvalds, disponible dans Le Vif de ce 10 août : si Linux ne décolle pas sur PC, c’est qu’il n’y est que très rarement préinstallé). C’est là que vient Jolla, une compagnie finlandaise (encore une, après Nokia et Digia, qui ont par ailleurs pour autre point commun leur dernière lettre), fondée par des anciens de Nokia, qui veut proposer des téléphones mobiles sous Mer pour la fin de l’année 2012 (un modèle, au moins).
Début juillet, elle comptait une cinquantaine d’employés : une moitié d’anciens de chez Nokia, le reste ayant été en lien avec MeeGo, Maemo ou Moblin, tant par leur activité professionnelle qu’en tant que membres de la communauté. L’objectif est d’atteindre assez rapidement la centaine d’employés, avec une moyenne de cinq embauches par semaine (plus dans le domaine de l’ingénierie, bien que des métiers plus divers seront requis pour la vente proprement dite).
Pour cela, il faut des moyens… et des moyens, ils en ont ! Avant d’atteindre leur objectif de 50 000 à 100 000 ventes cette année, il faut concevoir l’appareil, prévoir une campagne de marketing, installer l’écosystème, etc. Pour cette première phase de conception, ils ont déjà levé dix millions d’euros. Pour écouler cette production, ils ont déjà signé un accord avec D.Phone Group, le plus grand revendeur de téléphones en Chine, fort de deux milliers de magasins dans ce pays émergent.
Leur public ? Tant les développeurs que le grand public, avec un smartphone utilisable par tous, mais avec un mode développeur pour plus de liberté et de possibilités.
Ni de spécifications techniques ni de prix ne sont déjà dévoilés, cependant. Par contre, on sait déjà que l’interface ne sera pas le Swipe du N9 (propriété intellectuelle de Nokia, il n’est pas question de s’ouvrir directement à des problèmes de ce côté) ; le choix de MeeGo (ou Mer, cela revient approximativement au même) comme base (et non Android, comme beaucoup d’autres) fait penser que l’interface ne sera pas très proche de celle disponible par défaut dans le projet de Google, bien qu’inspirée et influencée par Android, iOS… et surtout le N9. Ils ne disposent pas d’un grand portefeuille de brevets en tout genre, on peut donc s’attendre à une certaine créativité (et à des dépôts de brevets à tours de bras ?).
Sources : Interview: Jussi Hurmola, the CEO of JollaMobile (audio and text available) et la page LinkedIn de la compagnie.