J’en rêvais, Pascal Rapicault l’a fait.
EasyEclipse est un projet d’IDE Java payant, une version modifiée de l’IDE open source Eclipse, spécialement conçu pour travailler efficacement sur du code java.
Je viens de soutenir le le projet sur Kickstarter. Voici pourquoi.
Où est le problème de l’IDE Eclipse ?
Depuis un certain temps, la communauté s’interroge sur la viabilité de l’IDE Eclipse. Quelques billets de blogs (automne 2013) :
- Imagine the eclipse IDE would cost $300…
- The Tragedy of The Eclipse Commons and Taxation ainsi que son autocritique une semaine plus tard
- Evolution of Cooperation
J’ai moi aussi déjà eu l’occasion d’écrire sur Google+ ce que j’en pensais.
Le nœud du problème est très simple :
Longtemps, les briques fondamentales d’Eclipse ont été entretenues en majorité par IBM. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Beaucoup d’entreprises profitent d’Eclipse et de son écosystème : soit en réutilisant certains éléments de la plateforme pour construire quelque chose d’autre (un complément à Eclipse ou un autre produit), soit en tant qu’utilisateur de l’IDE ou d’un des outils dérivés. L’IDE ou les autres outils sont souvent gratuits, du coup il n’y a que très peu de contribution en retour.
La fondation Eclipse n’est pas là pour s’occuper de l’IDE. Il suffit de relire le document mission statement de la fondation, pour s’en rendre compte. Il ne figure nulle part « Eclipse IDE » ou « Éditeur de code Java ». Ce n’est malheureusement pas clair pour tout le monde.
Je suis curieux de savoir ce que Mike Milinkovich va dire lors de sa Keynote Eclipse: The Next 10 Years durant la prochaine EclipseCon. En lisant son blog, on comprend que l’IDE en tant que produit, n’est pas la priorité de la fondation. Dans cet article retour de JavaOne 2013 je lis en creux « Eclipse IDE n’est pas vraiment présent à JavaOne, ce n’est pas grave, car l’avenir de la fondation est ailleurs ». L’article sur les dix ans de la fondation n’est pas plus rassurant.
Je ne dis pas que la raison d’être de la fondation est une mauvaise chose. La fondation Eclipse est là pour que des acteurs se rencontrent, des choses soient possibles, du code open source garanti soit produit, en garantissant certaines choses comme la neutralité vis-à -vis des entreprises participantes. Les projets autour de l’IDE ne sont que quelques-uns parmi d’autres. À ce titre, les dernières initiatives comme Internet of Things ou Location Tech sont certainement bonnes pour la fondation, pour l’open source… Mais elles n’apportent rien à l’IDE Java qu’est Eclipse.
Et l’open source dans EasyEclipse ?
À titre personnel, j’aurais préféré soutenir une fondation ou une association. Pour moi Mozilla ou la Document Foundation sont de bons exemples d’organisations garantes d’un ou plusieurs produits. Cela existe! Pour moi il faudrait une organisation pour soutenir l’IDE Eclipse. Cela ne serait pas incompatible avec la fondation Eclipse, mais complémentaire. Mettre ce genre d’organisation en place demande beaucoup d’énergie et d’efforts, et je comprends que personne ne veuille se lancer.
Quelque part, un entrepreneur avec une vision, une idée de produit, un modèle économique est plus à même de tenter l’aventure. Pour réussir, EasyEclipse doit être un business. Mais ce n’est pas forcément une mauvaise chose, car business est aussi garant de pérennité. Dans son modèle, Pascal et son équipe s’engagent à soutenir les projets open source de la fondation Eclipse utilisés pour réaliser EasyEclipse.
Dans un premier temps (celui de la campagne de financement) entre 20% et 30% de la somme levée seront consacrés à améliorer les projets Eclipse nécessaires à la réalisation d’EasyEclipse. Je fais confiance à Pascal Rapicault pour investir cette somme correctement. Espérons que les retombées soient grandes pour tout l’écosystème. D’autant plus que je pense rester, au moins pendant mon temps de travail, un utilisateur de l’IDE Eclipse plutôt que d’EasyEclipse.
Le projet Kickstarter doit permettre de prouver la viabilité du modèle EasyEclipse. Je crois au modèle du financement participatif pour financer certaines fonctionnalités de projets open source. EasyEclipse va plus loin, car la campagne de financement doit permettre de créer un projet qui attire des utilisateurs pour atteindre un autofinancement (les licences financent l’évolution du produit).
Le danger pour l’open source, c’est qu’EasyEclipse devienne un fork de certains projets de l’IDE sans aucune contribution en retour. Il me semble que ce n’est pas l’idée.
À moyen terme, en cas de succès, je me dis qu’un projet comme EasyEclipse peut être le moyen pour certaines entreprises, qui utilisent la plateforme Eclipse, de financer une partie de son évolution. Pour de nombreuses entreprises, l’IDE Eclipse est déjà un investissement (outil de travail quotidien, formation des collaborateurs…) et il a déjà un coût (rien que celui de changer d’IDE si Eclipse n’évoluait plus). Pour elles, donner une certaine somme d’argent pour résoudre les problèmes qui font perdre du temps au quotidien peut être un bon calcul avec un retour sur investissement direct. Pour qu’elles puissent le faire, il faut une ou plusieurs structures identifiées en mesure d’apporter une réponse et de mutualiser l’effort. EasyEclipse pourrait être un début de réponse.
Pascal Rapicault
Je ne connais pas Pascal Rapicault personnellement. Je l’ai croisé à l’EclipseCon, mais je ne suis pas certain de lui avoir parlé. Je suis entièrement d’accord avec Cédric Brun qui voit en lui la bonne personne pour se lancer dans cette aventure : c’est un développeur qualifié avec une bonne connaissance de la plateforme.
Si la campagne de financement est un succès, un certain nombre de clés seront entre les mains de Pascal (choix stratégiques, réussite ou non du projet). Comme toujours dans le cas du financement participatif, au final, c’est une question de confiance.
Parlez-en autour de vous
Comme pour tous les projets de financement participatif. Pour que cela marche, il faut en parler.
Maintenant, c’est l’heure de vérité : les idées évoquées ici et là sur des blogs et des mailings listes sont confrontés à la réalité : est-ce possible de trouver suffisamment de personnes motivées pour donner quelque chose ?
Je pense que si EasyEclipse marche, la communauté Eclipse et son écosystème ne seront pas déçus par la confiance accordée.